Rabat – AFP – 11 octobre 2017

Dans un pays où près de la moitié des personnes en situation de handicap mental sont sans emploi, un restaurant de la capitale marocaine fait partie d’un projet pilote visant à s’attaquer au problème.

Lorsqu’un client entre au restaurant Hadaf, situé dans le quartier des affaires de Rabat, rien n’indique que nombre des employés sont en situation de handicap.

Prenons Amr, un jeune homme enthousiaste de 28 ans, vêtu d’une chemise blanche impeccable et d’un pantalon noir.

Il scrute la rue à la recherche de clients potentiels, tandis que l’équipe en salle ajoute des vases en touche finale sur les tables.

« J’ai d’abord appris à la cantine », explique Amr.
« Maintenant je prends les commandes des clients au restaurant — j’aime le contact avec eux, apprendre à se connaître », ajoute-t-il.

L’expérience a été lancée par une association locale créée par des parents, pour bousculer les préjugés et offrir un tremplin aux jeunes en situation de handicap mental.

Le taux de chômage de ces personnes atteint 47,65 %, soit quatre fois la moyenne nationale, dans un pays qui compte 2,3 millions de personnes handicapées, selon une étude publiée l’an dernier par le ministère de la Famille.

Soumia Amrani, membre d’une organisation de défense des droits humains et coprésidente d’un collectif dédié au handicap, estime que la bataille de l’intégration doit commencer dès le plus jeune âge :
« On ne peut pas préparer des enfants à être sociables et à rejoindre la société s’ils restent en marge de celle-ci », dit-elle.
« Ils doivent être intégrés à la société pour apprendre avec les autres. »

Dans la cuisine du restaurant Hadaf, Moed, 28 ans, toque de chef sur la tête, est ravi d’exercer un métier après seulement trois années passées à l’école primaire.
« J’ai beaucoup appris de mes collègues. Je suis très heureux et ma famille est fière de moi », confie-t-il.

La Constitution marocaine de 2011 stipule que les personnes handicapées doivent pouvoir « s’intégrer et se réhabiliter dans la vie civile ».

Mais la réalité est différente : seuls 41,8 % des enfants handicapés de 6 à 17 ans sont scolarisés, et ce taux tombe à 37,8 % pour les 6 à 11 ans.
Autre indicateur du problème : un tiers des sans-abris souffrent d’un handicap.

« Ce restaurant ? C’est une bonne chose pour moi et pour les clients », dit Moed en hachant du persil pour la salade du jour, composée de produits cultivés dans le jardin bio du restaurant.

Pendant ce temps, d’autres jeunes s’activent sur les plans de travail, tandis que des brochettes grillent sur les flammes.

Le restaurant fait partie du Centre Hadafhadaf signifiant « objectif » en arabe — fondé il y a 20 ans par des parents et amis de personnes en situation de handicap mental.

Aujourd’hui, il prend en charge 90 jeunes dans la région de Rabat, et d’autres sont encore sur liste d’attente.

Outre la restauration, les jeunes suivent des formations variées : jardinage, bijouterie, menuiserie, couture.

Leur formation doit être payée, sauf si les familles sont trop démunies.

Amina Mesfer, force motrice derrière le projet, a un fils adulte de 38 ans atteint d’un handicap mental et visuel.
« J’ai très vite compris que je ne pouvais pas tout faire seule, mais qu’en se regroupant on pouvait trouver des solutions », dit-elle.
« Il existait des structures d’accueil, mais seulement jusqu’à 21 ans — comme si le handicap mental disparaissait miraculeusement à cet âge — et ensuite nos enfants étaient laissés à eux-mêmes. »

Dans la salle du restaurant, l’activité est intense. Fati Badi, qui termine son crème caramel, confie :
« C’est la première fois que je viens ici, et je suis très agréablement surprise. »
Venue dîner avec une amie, elle ajoute :
« Le cadre est agréable, la qualité du service et de la nourriture est au rendez-vous. Ils donnent l’exemple — c’est une façon de valoriser les personnes handicapées de la meilleure manière. »

Le Centre Hadaf gère aussi une maison d’hôtes, qui génère des revenus et permet aux jeunes de socialiser, explique Mesfer.

Depuis 2016, un centre financé par la Fondation Mohammed VI dispense formations et diplômes.
Cinq jeunes formés par Hadaf ont déjà pu y obtenir une certification — véritable passeport vers l’emploi.

C’est exactement ce qu’espère Amr :
« Quand j’aurai bien appris mon métier, j’aimerais travailler dans un restaurant ou un hôtel », dit-il avec un grand sourire.


Source : https://www.arabnews.com/node/1176071

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